50 milliards de francs. C’est plus de la moitié des dépenses annuelles de la Confédération (qui se montent à 82 milliards de francs en 2023). C’est la somme que la Banque Nationale Suisse (BNS) met à disposition de Crédit Suisse (CS), à titre de prêt, et sans aucune condition, pour sauver cette banque contre l’effondrement de son cours en bourse, qui pourrait mener à sa faillite dans le pire des cas, mais dont elle est seule fautive de par les pratiques douteuse et les scandales dans lesquels elle s’est empêtrée ces dernières années. Pourtant, la BNS et la FINMA, l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers, affirment que la situation de CS n’est pas inquiétante en soi, et que son ratio de liquidités et de fonds propres est suffisant. Mais la réputation écornée de CS menait à une fuite de capitaux qui commençait à devenir dangereuse. Et le premier actionnaire de CS, la Banque nationale d’Arabie saoudite a refusé de mettre plus d’argent sur la table, pour des raisons essentiellement réglementaires (il serait alors passé au-dessus de 10% du capital de CS, ce qui aurait nécessité une autorisation de la FINMA). Une pareille dépendance à l’égard de la monarchie saoudienne a de quoi poser question également…Toujours est-il que ce refus saoudien a engendré une panique boursière, à laquelle le coup de main de la BNS a mis fin.

50 milliards de francs. La somme doit être mise en parallèle avec les économies de bouts de chandelles que les majorités de droite (avec à l’occasion le soutien de la gauche modérée) imposent en permanence dans les prestations sociales, les services publics, la protection de l’environnement, l’indexation des salaires et d’autres dépenses indispensables, pour des montants dérisoires en comparaison. Avec à chaque fois l’argument comme quoi il n’y aurait pas d’argent. Manifestement, l’argent existe et ne manque pas. Mais il est à disposition uniquement pour les véritables maîtres de ce pays, pas pour sa population. C’est quelque chose qui doit changer !

Ce montant interroge pour le moins sur les pratiques de la BNS. La Banque nationale a en effet accumulé des réserves colossales, que les pertes spectaculaires qu’elle fait depuis la fin des taux négatifs n’a que peu entamées. Elle a choisi de vider le fond à partir duquel elle reversait une partie de son bénéfice aux cantons et aux communes, alors qu’elle aurait été financièrement en mesure de poursuivre ces versements. Elle n’a pas touché d’autres fonds à vocation « conjoncturels », et spécifiquement prévus pour des cas comme celui du sauvetage de CS. Or, ces réserves elle les a accumulées par des investissements de nature hautement contestable pour certains d’entre eux (énergies fossiles, entreprises d’armement, notamment). Ces décisions d’investissement et d’utilisation de fonds sont prises de façon discrétionnaire, hors de tout contrôle démocratique, comme le veut la sacro-sainte « indépendance » de la BNS. Or, les priorités de la BNS, comme mettre sur la table une somme aussi colossale que 50 milliards, et sans aucune condition, pour aider une banque privée entièrement fautive de ses désagréments boursiers, montrent éloquemment la véritable nature de classe de cette fameuse « indépendance » : un pouvoir au service de l’oligarchie financière, et soustrait à la volonté du peuple. Cela aussi doit changer !

Il y a à peine 15 ans, en 2008, le capitalisme était ébranlé par une crise financière de grande ampleur, partie de l’endettement privé extrême dus à des prêts hypothécaires spéculatifs aux USA et à une finance dérégulée et hors de contrôle. Après la faillite de Lehman Brothers, les États capitalistes développés ont mobilisés des montants proprement hallucinants de fonds publics pour renflouer les banques en difficulté et arrêter la contagion. Ce renflouement s’est fait sans aucune condition, un pur cadeau. Aucun des banquiers impliqués dans la crise – dont les pratiques ont pu pourtant être illégales – n’eut aucune conséquence à payer. Les réformes promises pour faire passer ce sauvetage devant l’opinion publique se sont révélées dérisoires, et n’ont presque rien changées, laissant les causes à l’origine de la crise intouchées, et vouant celle-ci à se répéter. En revanche, les États, lourdement endettés, ont fait payer à leurs peuples par des politiques d’austérité brutales le sauvetage des banques privées.

Et, quinze ans plus tard seulement, nous voyons les prémisses – même si tout n’est pas encore certain – d’une nouvelle crise financière. Alors, refaire comme il y a quinze ans, sauver de nouveau les banques avec de l’argent public pour qu’elles continuent exactement comme avant, et devoir payer pour les conséquences de ce sauvetage, pour nous c’est non ! Ces crises sont un mal structurel du système capitaliste. Aujourd’hui, plus que jamais, nous avons besoin d’autre chose. Nous n’avons pas besoin d’une finance hors de contrôle, qui n’enrichit qu’une minorité, et, par ses investissements à courte vue, engendre 22 fois plus d’émissions que la totalité de la population suisse. Nous avons besoin de changements structurels. Le PST-POP considère que le secteur de la finance doit être nationalisé, et mis au service du bien commun. Il n’est que grand temps de sortir enfin du capitalisme, de construire une nouvelle société socialiste, avant que le capitalisme ne finisse par rendre la planète inhabitable dans un avenir plus proche qu’on ne le croit.