L’assassinat à bout portant de Nahel, un jeune de 17 ans, lors d’un contrôle routier, pour simple refus d’obtempérer, par un policier à Nanterre le 27 juin a conduit à une explosion de colère et des émeutes sans précédent, d’une toute autre échelle même que celles de 2005. Le policier meurtrier a été arrêté et fait l’objet d’une inculpation pour homicide volontaire uniquement parce qu’une vidéo, accablante, a été diffusée sur les réseaux sociaux, ce qui a provoqué une indignation pleinement justifiée dans l’opinion publique. Au départ, la police avait fabriqué une version mensongère des faits. Sans la pression de l’opinion publique et le déclenchement des émeutes, l’IGPN (Inspection Générale de la Police Nationale, cette spécificité française où c’est la police qui enquête sur elle-même, et blanchit systématiquement les collègues, même devant des faits accablants) aurait classé l’affaire, le faux dans les titres serait resté sans conséquences et l’impunité aurait prévalu comme d’habitude.

Le gouvernement français a réagi avec une répression d’une brutalité extrême : déploiement policier colossal, utilisation de blindés et d’une batterie délirante de matériel de répression, tirs de LBD 40 à bout portant, méthodes d’interpellation choquantes et qui pourraient faire de nouveaux morts, instauration de couvre-feux et arrêt des transports publics à 21h00…Ce dans le refus total de trouver une solution politique et sociale. Emmanuel Macron a même osé accuser la responsabilité des parents, les réseaux sociaux et les jeux vidéo…comme si la jeunesse des quartiers populaires n’avait pas de vraies raisons de se révolter. Pendant ce temps, deux syndicats de la police, Alliance Police nationale et UNSA Police, ont publié un communiqué de presse ouvertement factieux, usant d’un langage fasciste sans fards, qualifiant la jeunesse révoltée de « nuisibles », parlant de « guerre » et adressant au gouvernement une menace à peine voilée de coup d’État d’extrême-droite.

Le PST-POP exprime toute sa solidarité avec la colère de la jeunesse des quartiers populaires en France, parce qu’elle est pleinement justifiée. Depuis trop d’années les jeunes des banlieues sont traités par la police comme un ennemi intérieur, harcelés par des contrôles d’identité à répétition selon le seul critère du délit de faciès, traités avec une brutalité inqualifiable. Depuis trop d’années les conditions de de vie de la population se dégradent, le chômage des jeunes explose, les revenus ne suffisent plus pour vivre, les services publics sont dans un triste état, la vie devient sans perspectives ; dans les quartiers populaires plus qu’ailleurs. A chaque gouvernement successif, la Vème République prend un tournant de plus en plus autoritaire, la police est incitée à agir d’une façon toujours plus répressive et discrétionnaire. En 2017, sous la présidence du « socialiste » François Hollande, l’Assemblée nationale adoptait une loi permettant à la police de tirer sur la base de critères pratiquement arbitraires, instituant de fait un permis de tuer, qui fait que les tirs mortels pour refus d’obtempérer deviennent une triste normalité en France. Et les gouvernements successifs, qui font passer leurs contre-réformes néolibérales par 49.3 au mépris de toute forme de séparation de pouvoir, les imposent ensuite par une violence policière digne d’un régime autoritaire. La Vème République peut difficilement encore être considérée comme un État de droit, ni comme une démocratie véritable, fût-ce bourgeoise. Dans ces circonstances, l’émeute est devenue le langage de celles et ceux qui autrement n’arrivent pas à se faire entendre.

Même le Haut-Commissariat aux droits humains de l’ONU a exprimé son inquiétude face aux violences policières disproportionnées et au racisme systémique présent dans la police française suite au meurtre de Nahel. Le gouvernement français lui a opposé une fin de non-recevoir.

La condamnation du policier responsable du décès de Nahel ne signifierait pourtant pas que justice aurait été rendue. En pratique, cela reviendrait à faire sauter un fusible, pour ne rien changer sur le fond aux pratiques policières. Il faudrait à minima rétablir l’État de droit, abolir le permis de tuer pour la police, remplacer l’IGPN par une instance indépendante et mettre fin à l’impunité policière ; ainsi que revenir sur toutes les contre-réformes néolibérales pour rendre les conditions de vie de toutes et tous supportables.

Des réformes ne suffiront pas toutefois. Elles pourraient certes mettre fin aux abus les plus flagrants et les plus insupportables. Mais la police et la justice bourgeoise ne pourront cesser d’être ce qu’elles sont essentiellement : non pas un garant des droits de toutes et tous, ni même du respect des lois, mais le bras armé de l’État bourgeois, dont la raison d’être est la préservation de l’ordre établi, dans l’intérêt de la classe dominante ; ce par des moyens légaux, ou même moins légaux lorsque la défense de l’ordre dominant le justifie. Il s’agira d’un appareil répressif, et oppressif pour celles et ceux qui combattent cet ordre injuste. Cet appareil ne cessera d’être tel tant que cet ordre même n’aura pas été aboli, et remplacé par un autre, au service de l’immense majorité.

Des émeutes non plus, sans objectif stratégique ni sans organisation, ne suffiront pas à obtenir un réel changement. Elles ne pourront ni renverser le régime en place, ni même le contraindre à reculer, à faire des concessions plus que symboliques. Seul un changement de l’organisation sociale existante peut répondre réellement aux justes aspirations de la jeunesse des quartiers populaires qui aujourd’hui se révolte. Ce qui exige une organisation révolutionnaire, ayant un changement de société pour but, et une stratégie pour y parvenir. Nous souhaitons à notre parti frère, le PCF, et à son organisation de jeunesse, le MJCF, d’être à la hauteur de cette tâche historique.