L’invitée Céline Misiego déplore que les récolteurs de paraphes soient pour la plupart rémunérés.
Depuis quelque temps, on aperçoit de plus en plus de personnes récoltant des signatures pour telle initiative ou tel référendum. On pourrait s’en réjouir, pensant que notre démocratie est plus active que jamais. C’est malheureusement tout le contraire qui se passe. En effet, ces récolteurs et récolteuses qui arpentent les rues de notre centre-ville sont pour la plupart rémunérés à la signature. Là aussi on pourrait se dire tant mieux, ça offre du travail à des jeunes, mais il faudrait pour cela que ces personnes soient rémunérées de manière juste, ce qui est loin d’être le cas. Nous y reviendrons. Un problème bien plus grave et bien plus insidieux se pose, il s’agit du déni de démocratie.
En tant que citoyenne, si l’on me propose une initiative à signer à laquelle je crois, je vais volontiers user de ce merveilleux droit populaire et y apposer ma signature, pensant soutenir une cause qui m’est chère. Malheureusement, sans le savoir, cette griffe va coûter à la cause, puisqu’elle lui sera vendue, alors que je souhaiterais bien évidemment que ma participation ne coûte rien. Si je le savais, j’irais évidemment par moi-même télécharger la feuille de signatures et la remettre gratuitement au comité d’initiative.
C’est là que le déni de démocratie opère, car il est absolument impossible de savoir si notre signature sera monnayée ou remise gratuitement. Même en interrogeant les personnes récoltantes, impossible de le savoir, la plupart d’entre elles affirmant sans sourciller le faire volontairement et bénévolement. En tant que membre d’un parti, ayant passé du temps dans la rue à récolter des signatures et sachant le coût de ces démarches, je ne peux qu’être effrayée de penser que nous louperions des signatures gratuites parce que les gens ne sont pas au courant qu’en signant chez telle personne leur paraphe sera remis gratuitement, alors qu’en signant chez telle autre il sera payant pour le comité d’initiative. Sans parler évidemment du pouvoir que cela donne aux partis riches, qui pourront sans problème «acheter» ces signatures.
En tant que membre du Parti du travail, je ne peux qu’être indignée par les conditions de rémunération de ces personnes, payées entre 1 fr. et 1 fr. 20 par signature. Un total journalier qui avoisinerait les 50 fr., sans participation aux charges sociales de l’employeur. Employeur qui dégagerait une marge de 40 ct. par paraphe selon l’enquête menée par la RTS. On pourrait donc parler d’ubérisation de la récolte de signatures, puisque tous les critères sont réunis (salaire très bas et non garanti, pas de charges sociales, bénéfices importants du prestataire).
Surtout, en tant que citoyenne, je devrais au minimum être informée que ma signature ne sera pas gratuite. Car, croyant user de mes droits démocratiques, en réalité je prête mon paraphe à une entreprise qui en abuse. Quelle cause pourrait le justifier?
Créé: 20.03.2019, 06h53
Paru dans le 24 Heures