Votations du 12 février 2022 – recommandations de vote du PST-POP

Depuis des années, les médias en Suisse sont en difficulté. Les journaux, faute de rentrées suffisantes, sont obligés de couper dans leurs dépenses – au détriment de la qualité –, ferment les uns après les autres, et les survivants sont absorbés au sein de groupes privés à but lucratif, pour lesquels la liberté d’expression, la diversité des opinions, la qualité du travail journalistique, la vérité tout simplement, ne sont pas le principal objectif. Les quelques journaux indépendants qui subsistent ont de la peine à survivre. Les médias régionaux – journaux, radios, télévisions – doivent lutter pour leur existence. Et les nouveaux médias en ligne ont une diffusion relativement confidentielle. Or, il ne saurait y avoir de démocratie vivante sans une information diversifiée et de qualité, donc sans médias diversifiés et qui ne soient pas tous entre les mêmes mains.

Pour enrayer un peu cette dynamique d’homogénéisation, pour soutenir les médias – régionaux en priorité – les chambres fédérales ont voté un paquet d’aide à la presse. Un soutien, en réalité, plutôt modeste : soutien financier à la distribution pour la presse écrite (mais sans subventionnement), et aide financière (limitée) pour les médias en ligne, les radios et les télévisions locales. Contrairement aux mensonges des opposants, ces aides aideraient plus, proportionnellement, les médias régionaux que les grands groupes privés. On est très loin des aides réellement importantes que des États ont accordées, voire accordent encore, à la presse vue son importance pour la démocratie.

Ce modeste paquet est pourtant combattu avec virulence – et des arguments mensongers – par une alliance improbable, unissant l’UDC, une frange du PLR, et les milieux complotistes (les « Amis de la Constitution » principalement). La quintessence de l’argumentation de ces opposants est de matrice libérale : la liberté de la presse implique que ce domaine soit laissé entièrement à la seule « liberté » qui vaille, celle du marché ; toute aide étatique impliquerait une étatisation des médias qui la reçoivent, et qui perdraient de ce fait la liberté de critiquer l’État dont ils dépendent financièrement. A ce fond libéral s’ajoute, de la part des complotistes (et de l’UDC, avec moins de sincérité) un ressentiment envers les médias de notre pays pour leur couverture de la pandémie, et des accusations, plus ou moins délirantes, de diffuser de la « propagande gouvernementale » (mensongère car ne correspondant pas à la vision des complotistes), d’être à la solde de la « dictature sanitaire » du Conseil fédéral. Que les complotistes, rebelles autoproclamés contre l’ordre existant, avec des pseudo accents anticapitalistes lorsqu’ils dénoncent les profits abusifs de « big pharma » se retrouvent dans le même camp que les néolibéraux les plus virulents, en dit long sur leur réel positionnement politique.

Nous rejetons résolument cette propagande, mensongère et hypocrite, et soutenons le paquet d’aide à la presse. Ce qui menace réellement la liberté de la presse, ce n’est pas une aide étatique – transparente, attribuée de façon équitable, et au demeurant modeste – mais précisément le libre-marché : la dépendance réelle envers le capital qui les détient, et dont la mainmise conduit à une homogénéisation de leur contenu, et à sa conformité idéologique aux désidératas des propriétaires. Cela dit, ce paquet d’aide vient un peu tard, alors que la concentration et l’homogénéisation de l’espace médiatique en Suisse est déjà très avancée, et ne suffira pas à garantir la diversité de la presse.